Biomécanique, Blog

L’âge du « débourrage »

juillet 9, 2022

A partir de quel âge devrait-on commencer le débourrage de son jeune cheval ? C’est une question récurrente qui taraude les propriétaires de poulain, désireux de démarrer la vie de leur cheval sous la selle du mieux possible.

Cet article ne répondra pas précisément à la question, il tombe sous le sens que la réponse est entièrement individu-dépendante selon la race, les objectifs sportifs, la morphologie, le niveau technique de l’éducateur, le tempérament du cheval et aussi selon le budget attribué à la tâche si celle-ci est déléguée, etc.. Nous pouvons cependant observer le cheval dans ses globalités physique et émotionnelle et soulever quelques points qui méritent attention si l’on souhaite mener au mieux l’éducation du jeune cheval.

Le mot est lâché: Education. Nous pouvons cesser de voir le débourrage comme une période abrupte dans la vie du cheval, synonyme de changements radicaux dans son mode de vie et dans sa relation à l’homme. Cela reviendrait à dérouler le débourrage comme une simple continuité dans l’éducation du poulain, qui peut débuter à quelques semaines de vie. Voici, selon notre point de vue, la clé de voûte d’un « débourrage » réussi. Les guillemets expriment ici le fait que, à partir de cette vision des choses, le mot en devient désuet.

Une éducation séquentielle et progressive peut s’installer au plus jeune âge, sans intrusion, de façon amicale, des petites touches quelques fois par semaine de pressions à distance, au contact, alternées de relâchement, d’habituation ou de désensibilisation s’il y a lieu. Une cordelette autour de l’encolure, puis un tapis sur le dos, le contrôle progressif des pieds, des réponses qui s’ajustent et gagnent en rapidité, une corde pour mimer le sanglage en toute discrétion, un humain à gauche et à droite puis sur le dos, et finalement les trois allures sous la selle. Le voilà « débourré », le tout échelonné de quelques mois de vie à trois, cinq ou pourquoi pas sept ans !

Peu ou pas de tourments émotionnels dans cette démarche, et un corps qui s’adapte tout aussi progressivement aux stimulations de son environnement. Les tissus osseux, ligamentaires, tendineux et musculaires ont ainsi le temps de maturer tout en s’accordant graduellement aux contraintes auxquelles ils sont et seront soumis. S’y confronter tardivement et brusquement, c’est ne pas bénéficier du fort taux de renouvellement cellulaire de la croissance qui permet de fortifier les acteurs du système musculo-squelettique et de les sensibiliser aux forces biomécaniques, qui s’affirmeront plus tard par l’entrainement.

L’éducation basée sur la compréhension éthologique du cheval permet de se passer d’un grand nombre de cercles en longe (parfois trop courte) à répétition et aux trois allures qui seraient néfastes pour ce système. Dès que le jeune cheval a saisi le mouvement et la réponse à donner, l’éducateur peut passer sereinement à la suite du programme. Des séances courtes, peu éprouvantes, alternant constamment entre des tâches dans l’immobilité et dans le mouvement, pour conserver la motivation, l’impulsion et un système cardio-respiratoire paisible.

Une grande attention devrait être portée sur la qualité du sol sur laquelle évolue le poulain pour ne pas mettre ce programme en défaut, un sol régulier, souple et non fouillant en carrière, remplacé rapidement et régulièrement par des sorties dans la nature. Le poids du cavalier est également un élément à ne pas négliger, tout autant que sa souplesse et son habileté à se faire comprendre et… oublier !

Anne d’Hautefeuille – Ostéopathe équin, BFEE2

Ludovic d’Hautefeuille – Expert fédéral d’équitation éthologique, BFEE3

Co-auteurs du livre « Le cheval en mouvement » de la collection Les Univers La Cense

No Comments

Leave a Reply